Conception et exploitation des bâtiments hospitaliers : la révolution BIM

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De plus en plus répandu, le BIM révolutionne la façon dont les bâtiments et les infrastructures sont conçus, construits et gérés, notamment dans le secteur de la santé. Les établissements hospitaliers étant de nature complexe, les concepteurs ont d’abord perçu dans le BIM une solution de conception efficace et intelligente. Mais aujourd’hui, la demande est de plus en plus formulée par les Maîtres d’Ouvrage eux­mêmes. En effet, si le BIM est un outil toujours plus apprécié des spécialistes, sa précision et sa lisibilité le rendent également très utile dans la gestion, l’exploitation et la maintenance du patrimoine immobilier d’un hôpital. Cependant, il induit une grande évolution dans les procédures de tous les acteurs impliqués dans le projet. Il nécessite pour être efficient, une adaptation des pratiques et le développement de compétences dédiées. Le BIM doit réunir tous les acteurs d’un projet autour de la table et les amener à partager une même vision, des objectifs communs et connus de tous. Pour se faire, il faut documenter l’environnement collaboratif, poser un cadre qui servira de guide et d’accompagnement aux intervenants et ainsi offrir une vision globale et commune qui aura un impact sur tout le management du cycle de vie des bâtiments et sera également le support de nouveaux usages innovants destinés aux médico­soignants comme la réalité virtuelle, la simulation de flux, etc.

Comment définiriez-vous le BIM? 

Le BIM est un nouveau mode de gestion des données du bâtiment qui allie la géométrie 3D et la gestion des données liées au bâtiment. L’idée est de coupler ces informations dans un « modèle numérique 3D». Il s’agit d’une méthodologie de travail qui nous permet de créer un avatar numérique du bâtiment et de ses composants. Cet avatar sera le support de multiples usages et, ainsi, optimisera sa gestion et son utilisation tout au long de sa vie. 

Quels sont les enjeux aujourd’hui liés au BIM? 

Il s’agit d’une nouvelle méthode de travail qui nécessite une transition importante pour les acteurs de la construction. Si cette conversion a déjà débuté, il reste encore du chemin à parcourir. Le BIM doit nous offrir plus d’anticipation basée sur un travail de réflexion en amont des constructions pour se doter de bâtiments permettant une exploitation plus efficiente par rapport à la méthodologie traditionnelle de conception. La programmation va aussi être anticipée avec la possibilité de simuler les flux pour visualiser l’organisation future des bâtiments hospitaliers. Pour autant, le BIM ne doit pas seulement être considéré comme un outil mais véritablement comme un changement de mode de fonctionnement et des processus de collaboration. Avec le BIM, dans l’idéal, tous les acteurs ont la possibilité d’accéder et de modifier (selon une gestion des droits) l’information en temps réel et de manière centralisée. Il est important de dissiper tous les problèmes de compréhension liés au BIM pour que tout le monde comprenne bien les avantages de cette solution et puisse s’engager pleinement dans cette voie et découvrir un nouveau champ de collaboration. Le secteur de la construction a toujours majoritairement fonctionné en silos, sans communication efficace entre les architectes, les ingénieurs, les entreprises et les utilisateurs. Le véritable challenge du BIM est donc la collaboration, la transparence et les échanges.

Quels sont les atouts du BIM lors de la phase projet ? 

Lors du projet, le BIM permet d’anticiper de nombreux futurs points de blocage en réfléchissant aux aménagements, aux flux et aux interfaces entre les services. li s’agit de travailler sur les locaux aux côtés de l’équipe projet ce qui améliore la collaboration tout au long du projet. Le BIM permet également de réduire les surcoûts de la construction et d’améliorer la planification. Cette meilleure anticipation et cette réflexion préalable permettent surtout d’éviter d’avoir à modifier le projet dès sa livraison comme cela peut arriver lorsque le projet n’est pas correctement pensé en amont. La finalité est de proposer un bâtiment qui correspond davantage aux besoins réels des utilisateurs. Le BIM permet une amélioration significative de la communication et de la collaboration entre tous les intervenants dans le cadre du projet. Ainsi, architectes et ingénieurs peuvent mieux comprendre les enjeux du Maître d’ouvrage et des utilisateurs alors que, de leur côté, les entreprises saisissent mieux les souhaits des concepteurs. Tous les intervenants disposent d’une vision globale, centrale et identique du projet. 

Les projets en santé font de plus en plus appel à des spécia­listes toujours plus nombreux et aux profils variés. Le BIM représente-t-il le moyen de rassembler tous ces acteurs autour d’un projet commun ? 

Le propre du BIM est de centraliser la donnée et d’être la source de l’information. L’idée est de s’appuyer sur cette méthodologie et ses outils pour créer un écosystème qui rassemble tous les acteurs autour d’une même base d’information partagée. Chaque utilisateur dispose d’outils spécifiques qui viennent s’interfacer sur la« maquette 8/M» et qui permettent de récupérer les informations dont il a besoin. Le BIM est un facilitateur de prise de décision et de communication face à la multiplication des acteurs et de leurs spécificités. Grâce à la réalité virtuelle, le BIM est aussi un formidable outil de découverte et de fondation auprès des équipes médico­soignantes en amont de la remise du bâtiment. 

Dans quelle mesure la maîtrise d’ouvrage bénéficie-t-elle avec le BIM de données utiles pour l’exploitation et la maintenance de ses nouvelles installations ? 

Pour la maîtrise d’ouvrage, le BIM offre une meilleure immersion et bénéficie à la prise de décision sur le terrain. Il permet surtout d’optimiser la gestion du parc immobilier. Le BIM offre un accès direct à toutes les informations du bâtiment et de ses usages. Il n’est plus nécessaire de chercher dans de vieux classeurs des plans d’une trentaine d’années, et qui ne sont plus forcément à jour, les données sont désormais disponibles en ligne, dans un seul et même référentiel. Si la maquette est correctement utilisée et mise à jour, elle offrira une connaissance beaucoup plus fine et rapide du parc immobilier. Ce n’est qu’à partir de cette maquette bien utilisée que la formation des nouveaux utilisateurs ou l’aide à la maintenance deviendront possible. Plus le bâtiment est complexe, comme c’est le cas dans le milieu de la santé avec les contraintes de ventilation et de maîtrise des environnements dans les blocs opératoires ou les laboratoires, plus les équipes de beaucoup d’autres usages novateurs comme la réalité virtuelle (VR). Utilisée comme support de communication, la VR peut permettre aux patients de visualiser en amont son parcours au sein de l’hôpital et ainsi réduire le stress lié à une intervention. 

Quelles sont les principales difficultés identifiées dans le déploiement du BIM au sein des établissements de santé ? 

La principale difficulté est liée à la méconnaissance des atouts et des usages du BIM. Encore une fois ce n’est pas un simple modèle 30 du bâtiment! La composante information et son apport collaboratif est le véritable cœur du BIM. Nous sommes également confrontés à un manque de compétences en interne pour la mise en place des outils et à la peur de devoir former tous les utilisateurs aux logiciels de modélisation, ce qui n’est absolument pas nécessaire! Chaque utilisateur dispose d’un outil métier qui lui est propre, qui s’interface avec le modèle BIM, et n’a pas besoin de maîtriser l’ensemble des outils. Enfin, il existe une réticence face à l’investissement initial pour procéder à cette transition numérique. Pourtant, même si le gain octroyé par le BIM n’est pas toujours facilement quantifiable, les économies réalisées, les gains de temps ou tout simplement en qualité sont significatifs. 

Comment le BIM peut-il être mis en place dans un bâtiment existant ? 

Qu’il s’agisse d’un établissement en exploitation ou pour un nouveau projet, le processus nécessite tout d’abord de définir les besoins et les usages à faire du BIM. Ces usages pouvant être nombreux, il est indispensable d’avoir une vision claire de ses besoins. Après cette définition, il faut mettre en place le cadre documentaire et définir les contraintes techniques qui seront appliquées à la maquette afin de rédiger un cahier des charges qui sera envoyé aux ingénieurs et aux architectes ou à l’entreprise de modélisation. Ces derniers vont pouvoir procéder à la modélisation du bâtiment qui devra répondre aux besoins définis préalablement. Pour se faire il faudra repartir soit d’une base documentaire existante si elle est fiable, soit d’un relevé de l’existant (par laser-scans, photogrammétrie ou autre) et intégrer dans le modèle les informations nécessaires. Enfin, le modèle BIM sera intégré dans l’écosystème d’exploitation. 

Aujourd’hui, tous ces acteurs ont-ils mesuré l’intérêt du BIM dans la conception, la concrétisation, la gestion et la mainte­nance des bâtiments hospitaliers ? 

Tous les acteurs du secteur n’ont pas encore mesuré l’intérêt du BIM et c’est justement cette méconnaissance qui est un frein à son développement. Toutefois, les mentalités évoluent très rapidement même s’il subsiste des zones de réticence face à l’investissement et de confusion entre le BIM et la 30. En réalité, le BIM est synonyme d’efficience et de qualité. Il offre un accès simplifié à l’information, une meilleure qualité de projet grâce à des outils de terrain qui s’interfacent avec le modèle BIM pour fournir des données à jour. Ce manque de vision de la part des décideurs s’explique notamment par le fait que les acteurs de la construction sont eux-mêmes, pour certains, réfractaires au changement. lis n’ont pas toujours la vision de ce que le BIM peut apporter aux Maîtres d’ouvrages et qu’il ne s’agit pas d’un simple effet de mode. Il faut bien avoir conscience de l’immense changement que représente le BIM et ce changement il faut savoir l’accompagner. C’est une 3″ révolution dans le secteur du bâtiment après l’arrivée de l’ordinateur, le passage à la CAO (conception assistée par ordinateur) et à la DAO (dessin assisté par ordinateur). Avec le BIM, nous dessinons encore différemment et surtout la donnée se retrouve au cœur du processus. 

En Europe, où en sommes-nous du déploiement du BIM sur le secteur hospitalier ? 

Il y a de plus en plus d’initiatives et d’exemples de l’utilisation du BIM pour des constructions ou des rénovations de bâtiments de santé notamment dans les pays du nord de l’Europe comme le Royaume-Uni, la Norvège, la Finlande ou l’Allemagne. Si ces pays sont en avance sur ces pratiques dans le secteur de la santé, des initiatives existent aussi en France, en Suisse et dans d’autres pays européens. Certes, elles sont encore minoritaires mais la transition est en marche! 

Selon vous, quand le BIM sera-t-il pleinement démocratisé à l’ensemble des projets hospitaliers ? 

Difficile de donner une date mais les normalisations, les recommandations et les règles des marchés publics commencent à être mises en place dans plusieurs pays européens, dont la France et la Suisse, qui poussent à mettre en place le BIM. Les nouvelles constructions vont permettre de constater les bénéfices du BIM et tireront vers le haut les autres projets. 

Il est fort possible que d’ici une dizaine d’années, la grande majorité des acteurs du secteur de la construction seront passées au BIM et de ce fait, les projets neufs comme les rénovations lourdes seront conduits en BIM en Europe.

Pouvez-vous nous présenter BIMaccess? 

BIMaccess est une société créée il y a deux ans par deux fondateurs issus du secteur de l’hospitalier, convaincus par les bénéfices du BIM dans l’exploitation des bâtiments. Nous accompagnons majoritairement les maîtres d’ouvrage dans l’implémentation du BIM dans leurs organisations, pour leurs projets ou leur exploitation. 

Quelle est la philosophie qui anime votre société ? 

Notre philosophie est basée sur le pragmatisme : nous ne voulons pas faire du BIM pour faire du BIM ! Il est indispensable de cibler les usages qui doivent être faits de cette méthode et appliquer ces usages dans des cas concrets et réalistes sans ajouter de complexité à l’organisation. Notre objectif est d’apporter de l’efficience et de la qualité aux différents projets réalisés en BIM. 

Comment définiriez-vous votre vision stratégique pour BIMaccess ? 

Nous souhaitons nous développer autour des maîtres d’ouvrages qui sont, aujourd’hui, peu informés des bénéfices qu’ils peuvent tirer du BIM en dehors de la construction d’un bâtiment. Nos cibles principales sont les acteurs du secteur de la santé, car la complexité de leurs installations augmente l’intérêt du BIM et le retour sur investissement. 

Quelles sont les difficultés rencontrées dans cet accompagnement, notamment auprès des établissements de santé ?

Le principal frein reste malheureusement les restrictions budgétaires ponctuelles qui poussent à s’affranchir d’un investissement qui pourrait limiter les dépenses sur le long terme. Bien souvent, le cadrage du projet BIM par le maître d’ouvrage arrive trop tard ou est flou, mal défini. Il ne suffit pas de souhaiter réaliser un projet en BIM. Il faut savoir le définir. Nous sommes parfois appelés tardivement pour réaliser ce cadrage alors que le projet est bien avancé. Or, le BIM doit être pensé en amont d’un projet afin que les mandataires, les architectes et les entreprises disposent d’un cadre clair sur lequel appuyer leurs travaux pour répondre aux besoins de la maîtrise d’ouvrage. Les règles du jeu doivent être définies dès le début du projet pour ne plus avoir à revenir dessus en cours de route. Du reste, une norme internationale ISO 19650 définit le cadre de cette méthodologie et son application. Ensuite, bien-sûr, il y a toujours les difficultés liées à la méconnaissance des bénéfices et des moyens à mettre en œuvre pour atteindre l’objectif et les différentes confusions qui entourent encore cette méthode.

Quelles sont les spécificités de vos prestations sur le secteur de la santé ? 

En premier lieu, il s’agit d’accompagner les maîtres d’ouvrage dans la définition des objectifs et des cas d’usage du BIM. Nous intervenons ensuite dans la rédaction des documents cadre nécessaires au lancement d’un projet BIM. Nous jouons aussi le rôle de conseil et d’aide à la décision durant un projet, notamment dans les relations entre les architectes, les mandataires et la maîtrise d’ouvrage. Une fois que la modélisation de la maquette est lancée, nous réalisons un contrôle qualité des livrables remis par les architectes et les mandataires. Il s’agit de s’assurer que le cahier des charges préalablement défini est bien respecté. Enfin, nous accompagnons le maître d’ouvrage dans le choix et la transition vers des solutions d’exploitation en interface avec le BIM. 

Dans quelle mesure le secteur de la santé nécessite-t-il des compétences et des expertises particulières ? 

Le BIM nécessite des compétences techniques liées à la construction, mais aussi à la gestion de données et au management. Malheureusement, ce ne sont pas des domaines dans lesquels les professionnels de santé se sentent très à l’aise, et c’est tout à fait naturel ! Chacun possède sa propre expertise et son propre travail. Le BIM requiert une connaissance du secteur de la construction et du bâtiment, mais également du secteur de la santé. Ces deux mondes s’opposent souvent sur un certain nombre de points et ont du mal à communiquer. 

Aujourd’hui, comment pouvez-vous sensibiliser davantage les établissements de santé et les acteurs engagés dans des projets de constructions et de modernisation sur l’intérêt du BIM ? 

Notre meilleur atout est notre pragmatisme. Il faut offrir des exemples concrets de réalisations efficientes. Nous avons pour habitude de lancer un projet pilote pour prouver la valeur ajoutée, avant de mettre en place le BIM sur plusieurs bâtiments. Ce projet pilote permet aussi de confronter le BIM aux utilisateurs finaux afin de s’assurer que les outils répondent de manière pertinente aux besoins du quotidien. Ensuite, notre travail consiste à partager ces expériences avec les autres acteurs du secteur pour sensibiliser sur les usages et les solutions qui fonctionnent. Enfin, l’élément-clé reste la pédagogie. Il faut toujours expliquer de la manière la plus simple et la moins technique possible l’apport de cette méthodologie.

Lors de nos présentations, nous mettons en avant l’analogie entre le BIM et le dossier patient informatisé. La base est dans les deux cas, une source d’information fiable communiquée à tous les acteurs concernés. Il s’agit d’offrir une vision très précise du «carnet de santé » du bâtiment. Utiliser l’image du dossier médical octroie une tout autre résonance pour les décideurs du secteur de la santé qui sont en majorité très favorable à cet outil. Lorsqu’il nous est demandé de chiffrer le retour sur investissement du BIM pour un exploitant, nous avançons qu’il est tout aussi difficile de chiffrer l’apport du dossier patient informatisé. L’idée est de faire comprendre aux exploitants que l’intérêt du 8/M ne réside pas forcément dans un gain financier mais plutôt dans des économies sur le long terme et, surtout, un gain considérable en matière de qualité et d’efficience dans l’exploitation de leur bâtiment.

Quelles sont vos perspectives de développement ?

BIMaccess tend à rester une société à taille humaine, de l’ordre d’une dizaine de salariés afin de maintenir l’expertise et le partage d’expérience au sein de l’équipe.